Tableau de Misstigri, cliquez pour découvrir son blogBaignée par le flot d’une profonde tendresse,
Elle a vu le jour dans une vague d’amour.
Elle a grandi au creux d’une mer d’allégresse,
Comme un poisson dans l’eau sa vie suivant son cours.
Nageant dans le bonheur durant toute l’enfance,
Elle ne vit pas l’orage entrer au village,
Ne crut pas à la rage ancrant la décadence
Et ne comprit pas la source de son naufrage.
Un pirate au cœur sombre assoiffé de sang
Ecumait les rivages pour faire fortune,
N’y semant que la mort, les larmes par torrents,
Il a laissé la fille aux bons soins de la lune.
Submergée de douleur, elle a fui le carnage
Pour ne pas se noyer dans un pur désespoir.
L’âme à la dérive elle cherchait le visage
De celui qui avait sabordé son histoire.
Mais la petite trop frêle, ainsi sans amarres,
S’épuisait déjà trop pour tenter de survivre.
Elle n’était pas de taille face au barbare
Mais, contre vents et marées, elle allait le suivre.
Ramant sur sa galère, les mois s’écoulèrent.
Elle sentait ses maigres forces refluer
Jusqu’à ce soir d’hiver où elles s’écroulèrent.
Au bord de l’abîme elle était exténuée.
Flottant dans l’inconscience des heures durant,
Elle s’éveilla fiévreuse et trempée de sueur.
Un vieil homme épongeait son front soigneusement,
Il devint aussitôt son phare, sa lueur.
Elle lui conta la lame dévastatrice
Qui, en déferlant, son enfance avait coulée,
Lui décrivit l’horreur qui peuplait ses abysses
Depuis que dans un gouffre elle était immergée.
Comme emporté par la houle de son récit,
Il sentait peu à peu la nausée le gagner,
Ecœuré par cet assassin qui sans merci
Inondait de cauchemars la pauvre épargnée.
Lisant la compassion dans ses yeux outremer,
Elle fut alors remplie de reconnaissance
Pour celui qui avait su adoucir l’amer,
Lui offrant ainsi l’espoir d’une résurgence.
Il n'était pas de ceux qui croyaient au hasard,
Ni même de ceux voguant au gré des courants.
Au creux des tempêtes il tenait bon la barre,
Il lui donna donc un horizon différent.
Plongée dans le calme d’un nouveau pied à terre,
Elle apprit à combattre ses pires démons,
Et remercia le ciel de l’aide salutaire
D’un héros inconnu qui l’éloignait du fond.
Son cœur cessait de tanguer au bord de ses lèvres,
Elle voyait l’éclaircie chasser ses embruns,
Et elle s’armait d’une patience d’orfèvre
Pour enfin pouvoir reprendre sa vie en mains.
Dix années passèrent sans pouvoir la lasser
De boire les paroles du Loup poivre et sel.
Il lui enseigna à savoir se dépasser
Pour gagner la surface et déployer ses ailes.
Elle était devenue une femme plus belle
Que toutes les sirènes peuplant l’océan.
La perle à l’éclat du souvenir maternel
Sentait, face à son reflet, un vide béant.
Elle savait que rien ne pouvait détourner
Sa conscience du cap qu’elle s’était fixée.
Elle décida donc un beau matin d’été
De lever les voiles vers sa quête risquée.
Elle partit trois jours sur la rive voisine
Et se laissa porter par le flux des rumeurs.
Quand au cours du chant marin d’une douce ondine,
Elle entendit le nom de l’impur malfaiteur.
Elle retrouva sa trace au fil des massacres
Et des villages tombeaux figés en épaves.
Sa colère se faisait de plus en plus âcre
Et versait dans son âme la rage des braves.
Pistant son bourreau pour assécher son fléau,
Elle s’imprégnait du fluide de son maître.
Elle espérait pouvoir garder ses idéaux
Tout en annihilant le tourbillon du traître.
Elle le surprit lorsqu’il cachait son butin
Sur la plage blanche d’un hameau ravagé.
Elle comptait lui faire avaler son venin
Mais avant d’agir elle devait l’observer.
Elle décela ainsi ses atouts, ses failles,
Purifia ses pensées de leurs visions morbides.
Elle fomenta alors son plan de bataille,
Tout dans son esprit était devenu limpide.
Elle se lava dans l’onde d’un clair ruisseau
Pour qu’aux yeux de l’immonde elle soit désirable.
Elle usa d’un don qui rendait les mâles sots,
Armée de son charme, une ruse redoutable.
Son sourire enjôleur débordait de chaleur
Quand en roulant des hanches elle alla vers lui.
Lorsqu’elle le héla sur un ton aguicheur,
Il préparait un feu pour réchauffer sa nuit.
Il loua tous les dieux de sa soudaine aubaine
Quand il mordit à l’hameçon dans un doux leurre.
L’air était trop humide, il en frôlait l’obscène,
L’homme, ainsi envoûté, fit sa plus grande erreur.
Enfin piégé dans les mailles de son filet,
Sur cette berge il perdit le droit d’être libre.
Elle le força à la suivre sans délai
A jamais délivrée de ses déséquilibres.
Elle l’avait d’abord attiré dans ses bras
Pour l’assommer ensuite d’un coup de galet.
Puis elle l’avait ficelé de haut en bas
Avant de l’arroser d’une pluie de soufflets.
Il s’était éveillé privé de son orgueil.
Elle avait craché un long discours agité.
Dans tous ses maux lâchés, elle avait fait son deuil,
Partant le livrer aux soldats de la cité.
Le chemin s’écoula sans remous ni marnage,
En longeant le fleuve elle arriva à bon port.
Elle abandonna son prisonnier sans ambages
Aux mains d’une justice condamnant ses torts.
On dragua les eaux troubles de ce vil requin,
Il fut traîné dans la boue pendant son procès.
La mort fut jugée trop douce pour ce faquin,
Il fut désigné forçat jusqu’à son décès.
Elle sentit l’afflux d’une énergie nouvelle
Circulant comme une fontaine de jouvence.
Elle avait réussi à vaincre Machiavel
Sans même devoir assombrir sa transparence.